Après mon post d’hier concernant le spam de Nicolas Sarkozy [1], j’aimerais m’attarder un instant sur la réaction du député français (UMP) Yves Jégo qui, sur son blog, se fend d’un argumentaire véhément pour défendre son patron. Commençant par s’interroger sur l’« étrange polémique » suscitée la propagande électronique de son parti, qui n’est désireuse, écrit-il, que « d’engager le débat avec ceux qui le souhaitent et d’augmenter le nombre de ses adhérents », il en vient assez rapidement à s’indigner de la « mauvaise foi » de ses adversaires politiques qui osent critiquer une « pratique pourtant parfaitement légale » et — tenez-vous bien — « citoyenne ». Et de conclure d’une envolée :
Pour ma part je reste persuadé qu’un parti politique moderne et populaire ne peut être absent de ce formidable médias qu’est internet. La toile est un accélerateur de démocratie et de liberté .
Méfions nous de ceux qui chercherait à y restreindre la liberté d’expression !
Dans le débat qui suit, il commence, sûr de son fait, par critiquer un internaute qui lui reproche sa position : « Parler de SPAM en l’occurence est faux totalement faux ! Toutes les personnes qui reçoivent le Mail de l’Ump sont abonnés volontaires à des mailings listes », avant, un peu plus bas, de se replier sur une position plus prudente : « La vérité est que l’UMP à fait appel à un prestataire spécialisé et que ce dernier apporte la garantie que toutes les adresses email sont celles de personnes ayant données leur accord. Si un problème existe c’est à ce niveau là et surement pas a celui de l’UMP et encore moins de Nicolas Sarkozy lui même. » Ah, que ferait-on sans la sous-traitance, c’est tellement pratique pour trouver des lampistes.
Il poursuit en rajoutant encore une couche sur la liberté d’expression :
Pour les reste qu’est ce qui est le plus insuportable...
recevoir un mail politique que l’on peut éliminer d’un simple clic
trouver un tract politique sur sa voiture ou dans sa boite à lettre ?
Le plus insupportable ce serait que les partis politiuqes ne puissent plus s’exprimer non ?
Comme si les partis politiques représentés au Parlement (et le sien en particulier) avaient le moindre problème d’accès aux médias alors que toute la dramaturgie médiatique est articulée sur leurs émois et convulsions divers, au mépris souvent d’autres acteurs politiques, non institutionnels, qui sont la plupart du temps ignorés ; comme si un tract papier — dont le coût réduit automatiquement la diffusion ; qui est souvent lié à la réalité locale —, était comparable au courrier électronique dont le coût est nul (une fois qu’on dispose des bases de données) ce qui incite à tous les abus ; comme si la boîte aux lettres (interface symbolique par exellence de l’individu avec l’espace public) était comparable à une adresse de courrier électronique qui peut ressortir au registre de l’intime.
Finalement, montrant qu’il est bien dans le ton du moment de la droite, il livre le fond de sa pensée en conspuant l’ennemi, l’association altermondialiste ATTAC (qui n’a jamais pourtant eu pour pratique de spammer qui que ce soit à ma connaissance). On lira avec intérêt à ce sujet les attaques ordurières du Figaro contre ATTAC accusé d’« inflitrer l’école » [2] ou celles, complètement déplacées dans le chef d’un homme politique prétendûment socialiste, de Michel Rocard dans Le Nouvel Obs’ [3] mais on en notera aussi de plus subtiles, comme ces variations lexicales dans le journal « Le Monde » qui a remis à l’honneur depuis quelques temps le terme « antimondialisme » en remplacement d’« altermondialisme », qui est décidémment une appelation trop sympathique pour cette bande de sales nonnistes.
Pays merveilleux que le notre où l’on s’evanouit de bonheur face au militantisme citoyen d’ATTAC via Internet et ou, dans le même temps, on fait la "une" des journaux quand le premier parti de France (eh oui 165 000 adhérents !) ose s’exprimer par les mêmes réseau !?
Dans l’amalgame généralisé qu’il fait entre moyens de communication passifs (le web, a priori non agressif) et actifs (le spam, hautement intrusif), souhaités ou subis, il exprime au passage l’idée que la masse de l’UMP lui donne le droit de s’immiscer dans la vie privée des individus (ou alors peut-être que les expressions politiques minoritaires doivent faire place à la toute-puissance du parti unique de la droite majortaire, présidentielle et « populaire ») [4].
Hormis sa frustration (d’élu bloggueur, faut-il le souligner) de voir les mouvements de gauche se servir mieux que lui d’Internet [5], pas grand-chose donc.
On n’aura dès lors pas à réfuter longuement si pauvre argumentaire qui pratique si complaisamment l’autodestruction et l’usage de poncifs gros comme des maisons (« citoyenne », « moderne », « populaire »,...).
On s’étonnera quand même qu’un élu qui se présente comme technophile — ne serait-ce qu’en ouvrant lui aussi son blog — soit si peu au fait de certaines évidences (le spam est une nuisance), passe tellement à côté de l’essentiel, soit à ce point satisfait de ces idées toutes faites qui servent d’oeillères — cet appel répété, hors de propos, à la « liberté d’expression » (ou plus exactement à sa liberté d’expression).
A voir le niveau de compétence du personnage, donc, on peut sans doute en inférer — et c’est un constat qui a déjà été posé à de nombreuses reprises — que le niveau moyen du corps législatif est très insuffisant sur certaines question concernant les nouvelles technologies.
Dans un contexte où de très importants enjeux de sociétés dépendent aujourd’hui du vote de ces mêmes députés — et en particulier tous les avatars de la propriété intellectuelle en milieu numérique ou les différentes enjeux touchant à la surveillance des individus et à la protection de leur vie privée —, je pense qu’on peut considérer ce fait comme inquiétant. Je crois aussi que cela explique en bonne partie les positions (et donc dans un certains nombre de cas, les lois) rétrogrades et caricaturales qu’on pris et que risquent encore de prendre à de nombreuses reprises nos gouvernants dans divers dossiers comme le brevet logiciel [6] ou dans la conception d’une politique de la propriété intellectuelle qui soit autre chose que la défense bête et unilatérale des seuls intérêts des firmes capitalistes actives dans les secteurs concernés.
Mais c’est là un autre débat.
Messages
1. Spammé par Nicolas Sarkozy (suite), 30 septembre 2005, 15:49, par TarValanion
On peut aussi faire un google Bombing comme expliqué ici : http://www.kozlika.org/kozeries/index.php/2005/09/29/322-jargon-des-blogueurs-google-bomb
2. Spammé par Nicolas Sarkozy (suite), 7 octobre 2005, 00:19, par Aurélien 59
Quelle est votre vision de la société à vous ?
Je vous signale au passage que concernant les plaintes déposées, elles n’auront aucun effet !
C’est inutile de rêver !
Sarkozy sera président en 2007 car les français ont enfin compris que la rupture s’impose !
Alors vous pouvez fantasmer !
Nous à l’UMP on bosse pour une chose : faire de Nicolas Sarkozy notre président de la République.
Au passage nous sommes 168 000 adhérents à jour de cotisation : le premier parti de France !
Bonne soirée
Aurélien
1. Spammé par Nicolas Sarkozy (suite), 7 octobre 2005, 00:54, par François Schreuer
Bonsoir,
Je ne pense pas ou je n’espère pas — y a-t-il tant de différences entre les deux — que Nicolas Sarkozy gagnera la prochaine présidentielle française.
S’il devait cependant la gagner, je ne pense pas que cela représenterait le moins du monde une « rupture » dans la mesure où la société dans laquelle nous vivons est déjà une société économiquement libérale et socialement rigoriste dans laquelle il est chaque jour un peu plus « normal » que les riches soient plus riches et les exclus plus exclus. Où les violences de tous ordres contre ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas entrer dans le monde consumériste se multiplient en repoussant chaque jour un peu plus loin ce qu’on pensait la veille être le fond de l’indécence.
Le projet de Nicolas Sarkozy n’est rien d’autre que celui-là. Sans doute promeut-il, tout accaparé qu’il est du rêve américain, de ce tropisme contrarié du « toujours un peu plus à l’ouest », l’ouverture de l’émancipation par le travail, le mythe du self-made-man qui s’en sort au courage, au travail et à la volonté, grimpe à la force du poignet. C’est cependant un modèle où le seul acteur considéré est l’individu. Et, or, pour notre grand malheur commun — vous me demandiez de vous parler de mon modèle de société — l’on ne construit pas une société pas plus qu’on émancipe un peuple en se limitant à cette seule figure de l’individu.
Savoir que vous, les adhérents de l’UMP (que vous ayiez seulement signé un papier sur une plage ou que vous soyiez les ardents défenseurs des idées de droite), êtes autant ou plus encore, lire surtout l’usage agressif que vous faites, Monsieur, de ce chiffre, me fait peur. Le mot fascisme est trop sensible, trop indécent à utiliser ; il faudrait lui inventer un synonyme pour dire cette démagogie de droite que je perçois dans votre dernier paragraphe comme dans un grand nombre de mouvements de droite aujourd’hui en Europe (de Berlusconi à Blair en passant par Aznar ou Haider) qui, chacun à leur façon, tentent ou ont tenté de remettre au goût du jour ces vieux démons que sont le culte du chef, le parti unique autoritaire de masse ou la persécution des syndicats.
Enfin, s’il est bien une chose dont je suis sûr, c’est que je ne fantasme pas (à la différence de votre patron, qui est tout entier dans la projection de lui-même). Je rêve peut-être — ce n’est pas la même chose — à une société plus juste, démocratique, solidaire, écologique et égalitaire. Heureusement, et malheureusement pour vous, nous sommes très nombreux à partager ce rêve.
Bien à vous,
FS
2. Spammé par Nicolas Sarkozy (suite), 10 octobre 2005, 20:30, par Pangloss
Bravo !
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes .
3. Spammé par Nicolas Sarkozy (suite), 11 octobre 2005, 06:23, par Loony
D’avance, veillez excuser mon manque de commande de votre belle langue :
N’ayons pas peur du mot "fascisme", qui a un origine bien latin, et qui fait
reference à des tiges (nous) lieés par un corde (l’état) et qui se trouve, d’ailleurs, representé, sur le mur, derrière ceux qui parlent dans le senate Americane. Mussolini trouvait que le mot "corporatism" était plus apt.
Ne deduisez pas par ces remarques que je suis un marxist de le vieux école ; je suis simplement dégouté par les excess Americans qui énvaillissent l’Europe actuellement.
Ne machons pas les mots dans l’interet de la délicatesse. Rien n’est délicate dans ce debat.
- Merci de votre patience dans vos efforts de traduction de mes efforts, L.
4. Spammé par Nicolas Sarkozy (suite), 12 octobre 2005, 16:47, par cecile
Bof moi j’ia pas ma carte et je ne la prendrai certainement pas ... justement pour ne pas avoir a supporter ce personnage et "ses" amis tels que vous.. Merci bien mais j’ai encore une conscience humaine. Et n’oubliez pas que l’UMP c’est construit sur la base des faiblesse de la droite ! Alors sincerement vivement le jour où l’UMP n’existera plus
3. Spammé par Nicolas Sarkozy (suite), 16 février 2006, 20:15
Stratégie étrange de l’UMP avec l’achat d’expressions de Adwords pour leur positionnement sur Google. Il n’en loupe désormais pas une en se positionnant sur “caricature mahomet“ ! Plus ça va et moins je comprends ou ils veulent en venir… On peut vraiment penser que Sarko mange vraiment a tous les rateliers.
Aller je participe aussià la gooel bomb.
www.location-corse.net
4. Spammé par Nicolas Sarkozy (suite), 22 avril 2006, 15:22, par T-D
Un petit podcast du responsable internet de l’Ump :
lien hypertexte