Les archives des Bulles

Une illustration de la féroce capacité de nuisance de la bêtise publicitaire

mardi 29 novembre 2005, par François Schreuer

Il y a de nombreuses raisons de lutter contre la publicité. Parmi celles-ci, la nuisance écologique qu’elle représente est, me semble-t-il, très loin d’être la moindre. Récit d’une expérience vécue ce jour, exemple petit mais néanmoins frappant.

À peine sorti du train, ce matin, à la gare de Bruxelles-Central, je tombe sur une forte escouade d’une vingtaine de promo-boys et (surtout) promo-girls. Cette bande de joyeux mercenaires — prostitués du sourire, on peut dire ? — tente, comme on s’en doute, de refiler aux passants (en général du genre navetteurs abrutis par des horaires de dingue, pas le genre à perdre du temps à polémiquer) leurs prospectus en quadrichromie vantant la camelote d’une grande marque de prêt-à-porter (« H&M » pour ne pas la citer).

Bref, jusque là, rien de bien original, c’est vrai, même si tout ce papier sera évidemment tapé dans la première poubelle par l’immense majorité des gens [1].

Là où ça devient assez surprenant, c’est que le dépliant est emballé dans un sachet plastique. Pas le genre rachitique qu’on trouve en grande surface, non, un beau sachet rouge, qui en jette bien, limite le genre qu’on file dans les boutiques pour que les clients soient convaincus d’en avoir pour leur argent, au moins dans le contenant si pas dans le contenu.

Pourquoi cet emballage ? Je ne sais pas. J’ai pourtant pris un des sachets (avant de le rendre à la demoiselle qui me l’avait refilé), il ne contenait rien d’autre que le petit dépliant !

Sans doute un « créatif » payé 10 000 EUR par mois a-t-il eu cette idée de génie au bout de quelques semaines de cogitation. C’est qu’on s’adresse à des consommateurs de plus en plus saturés par les messages publicitaires dont on les agresse (ben oui). Il faut donc toujours trouver de nouveaux moyens d’atteindre la cible. Là, il a dû se dire que l’emballage plastique donnerait l’illusion d’un cadeau, quelque chose comme ça.

En repassant à la gare en fin d’après-midi, l’équipe de promo-boys-et-girls était toujours là à distribuer leur merde, avec un sourire un peu moins fringuant que quelques heures plus tôt il est vrai. Pas vraiment moyen de leur en vouloir de faire ce job infâme en ces temps de chasse aux chômeurs...

Comme on pouvait s’y attendre, les sachets rouges se retrouvaient littéralement partout. La plupart des poubelles en étaient pleines. Un certain nombre d’entre eux — pour ne pas dire un nombre certain — jonchaient le sol ou les bancs dans toute la gare. Vision de désastre, d’autant plus effrayante qu’elle est d’une banalité totale. On suppose que c’est le personnel de la SNCB qui sera chargé d’évacuer les restes de l’orgie solitaire de H&M.

Quelques mètres cubes de matières premières hautement précieuses gaspillées, une fois de plus. Aujourd’hui à Bruxelles, demain ailleurs, ça se multiplie vite. Dans le même temps, les pouvoirs publics tentent à l’occasion de promouvoir le tri sélectif et autres mesures écologiques. Fort bien, mais on se dit que le citoyen un peu lucide est fondé à se sentir pris pour une poire quand, dans le même temps, on tolère sans guère d’état d’âme le gaspillage éhonté du monde de la publicité. Il faudrait faire le total de tout ce que la pub consomme de ressources, ce serait effarant.

Notes

[1Soit dit en passant, si vous trouvez vous aussi que tout ce gaspillage est assez regrettable, peut-être qu’une chose assez utile à faire serait de refuser systématiquement de prendre les pubs qu’on essaye de vous donner et d’éviter par là-même de faire grossir un peu plus les poubelles. J’ignore pourquoi, mais il semble que la plupart des gens prennent ce qu’on leur tend avant de le jeter quand ils se rendent compte de ce dont il s’agit. Il doit y avoir un truc à travailler de ce côté.

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