Les archives des Bulles

À grandes enjambées vers une société de surveillance

vendredi 2 décembre 2005, par François Schreuer

Chaque jour, ça déconne un peu plus ! Nous vivons dans une société où le fichage des citoyens et plus généralement leur contrôle biopolitique sont devenus légitimes, au nom de diverses menaces contre lesquelles ils sont censés nous protéger. Ça évolue tellement vite qu’il devient de plus en plus difficile de suivre tout ce qui se passe. On peut tenter de prendre la mesure du phénomène, de tracer sa progression. Hier j’ai parlé du droit fondamental et menacé que constitue l’utilisation de logiciels libres. Aujourd’hui, je vais juste lister quelques éléments de l’actualité, qui devraient non seulement nous interpeller mais aussi et surtout nous faire réagir.

Carte d’identité électronique. La carte d’identité électronique belge a déjà fait beaucoup parler d’elle pour de nombreuses et très valables inquiétudes qu’il est trop long de détailler ici [1]. L’édition d’aujourd’hui de La libre Belgique nous apprend que « la présidence britannique de l’UE veut imposer le fichage biométrique sur les cartes d’identité nationales des citoyens des Vingt-cinq, voire même y implanter une puce “RFID” (Radio frequency identification). En clair, il s’agit d’intégrer au moins deux empreintes digitales du titulaire du document sur celui-ci, ainsi que d’y installer éventuellement une puce électronique permettant la lecture des informations contenues dans la carte d’identité. Mais sans contact avec celle-ci, c’est-à-dire à (petite) distance. Et, donc, au besoin même à l’insu de celui qui la porte ! ».

Caméras à Liège. Il y en avait 6 dans toute la ville il y a à peine un ans, 16 nouvelles ont été installées en 2005. Là, le conseil communal vient de décider l’installation de 79 nouvelles caméras disséminées dans la ville. Il paraît que c’est à la mode depuis les attentats de Londres. Comme l’écrit le collectif liégeois JCC dans un communiqué, « Non, la démocratie ne peut pas se sentir à l’aise dans un espace quadrillé par des caméras de surveillance. Non, on ne sait pas à quoi serviront ces outils de contrôle, alors que la démocratie régresse chaque jour un peu plus. Non, cette intrusion dans les espaces publics et dans notre quotidien le plus intime n’est pas acceptable. »

Conservation des logs. Les députés français ont voté mardi soir une loi contre le terrorisme qui prévoit entre autres dispositions liberticides (vidéosurveillance notamment) la conservation obligatoire par les hébergeurs des données de connexion sur le net (« logs »), lesquelles seront accessibles — sur simple demande ! — aux services de police et non plus seulement à la justice. On ne peut pas dire que le net ait jamais été un lieu où l’anonymat pouvait réellement exister, mais là, c’est carrément big brother. Notons au passage que le groupe socialiste français s’est.. abstenu sur ce texte. Pour plus d’info à ce sujet, lire l’article publié sur le site de la Ligue ODEBI : Les log pour les nuls, LSQ, LPSI, LCT : Petite histoire de l’instauration en 3 temps d’un état policier numérique à la française ou le communiqué de l’association IRIS : Le projet de loi « anti-terrorisme » donne tous pouvoirs à la police administrative.

Ce ne sont là que trois exemples parmi des centaines [2]. Mais ils disent bien à quel point il y a aujourd’hui un très grave problème.

Ajout samedi 3/12. pour compléter ceci, lire aussi « Une lutte efficace ne doit pas sacrifier les droits fondamentaux », interview de Damien Vandermeersch par Jean-Claude Matgen dans La libre Belgique.

Ajout lundi 5/12. Lire dans La libre d’aujourd’hui le très bon article de Thierry Balzacq et Sergio Carrera intitulé "Liberté, sécurité et... rétention des données".

Ajout mardi 6/12. On me signale l’intéressant site http://www.stoppuce.be/. A visiter,...

Notes

[1Voir aussi ici, ici ou .

[2Et particulièrement pour le moment, les projets discutés aux niveaux belge et européen en matière de lutte contre le terrorisme. Lire à ce sujet : "Sur la piste téléphonique des terroristes", La Libre Belgique, Sabine Verhest, ainsi que "Méthodes particulières d’enquête : un projet de loi dangereux pour les droits fondamentaux", communiqué de Presse de la Ligue des droits de l’Homme, 1er décembre.