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10 propositions pour relancer l’Europe

vendredi 13 juin 2008, par François Schreuer

Comme on pouvait s’y attendre, les Irlandais se sont opposés au traité de Lisbonne. J’en suis ravi, positivement ravi. On glosera sur les bonnes et les mauvaises raisons qui ont conduit à ce vote. Reste que le coup de force du traité de Lisbonne est un échec. Reste que la rupture entre le peuple européen et la clique eurocrate est consommée, reconsommée et rereconsommée. Bien sûr, les ouiouistes, les eurocrates et les divers europriviligiés ne vont pas manquer de vouer aux gémonies ce peuple qui ne vote pas comme il faut et les porteurs du non de gauche vont encore être accusés de conduire l’équipage dans le mur.

Ce déni de réalité devient exaspérant, à force, vraiment irritant.

Avant toute chose, je pense qu’on peut raisonnablement suggérer la démission collective des porteurs du traité constitutionnel et de son ersatz le traité de Lisbonne. Que tous ces gens si suffisants aient la modestie de faire un pas de côté, de réfléchir un instant sur le sens qu’ils donnent au mot « démocratie » — omniprésent dans leurs bouches — alors qu’il s’acharnent à faire passer un traité contre l’avis majoritaire de la population.

Car si l’Europe a un sens — et elle doit en avoir un —, c’est en tant que vecteur de progrès social, d’amélioration des conditions d’existence des centaines de millions de personnes qui vivent sous sa férule ; de contestation, aussi, des dominations qui s’exercent au niveau mondial. Le « non » populaire n’est pas un « non » populiste, comme s’en va déjà répétant la doxa. C’est un « non » de souffrance sociale. Partout en Europe, la vie est devenue dure, trop dure. Les injustices sont trop grandes. C’est à cela que devrait répondre un projet européen, à cela et à rien d’autre.

Mais venons-en à l’essentiel : le projet. Car, contrairement à ce que disent les ouiouistes, le non de gauche porte un projet pour l’Europe, un projet de transformation sociale, d’émancipation. Voici, sous la forme de dix propositions, ce qui me semble constituer un assez large consensus parmi les porteurs du non de gauche.

1. Abolir le dogme de la liberté de circulation des capitaux. Certes, le ver est dans le fruit depuis le traité de Rome, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Et sans un contrôle sur les mouvements de capitaux — en tout cas à travers les frontières externes de la zone euro —, toute politique ambitieuse de redistribution des richesses est impossible.

2. Déclarer l’indépendance militaire de l’Europe par rapport à l’OTAN. Le traité de Lisbonne nous lie de façon indéfectible à l’OTAN. Qu’est-ce que l’OTAN ? À quoi sert-il encore aujourd’hui que son ennemi historique du Pacte de Varsovie n’existe plus ? L’OTAN est devenu un outil de contrôle militaire mondial, largement dominé par les Etats-Unis d’Amérique. Nous n’avons aucune raison de nous alligner sur la politique étrangère criminelle de ce pays.

3. Confier le pouvoir législatif au seul Parlement européen. Renoncer définitivement à donner une partie de la fonction législative à des instances inter-gouvernementales (le Conseil) — ce qui donne des résultats catastrophiques et génère un grande confusion entre le rôle de l’exécutif et celui du législatif. Quant à la Commission européenne, elle sera avantageusement remplacée par un gouvernement désigné par le Parlement européen.

4. Restreindre l’indépendance de la banque centrale européenne. La politique monétaire est un outil de politique économique indispendable, nécessaire à un gouverement qui souhaite entreprendre des réformes de structures. Le gouvernement européen doit pouvoir l’utiliser et donc donner des instructions à la banque centrale. Ce n’est pas possible aujourd’hui.

5. Instaurer un impôt européen sur les revenus du capital. Tout le monde s’accorde à dire que la dissymétrie entre la fiscalité sur les revenus du travail et celle sur les revenus du capital est nuisible. Qu’on agisse ! Un impôt sur le capital n’est pas possible à l’échelle des pays, qu’on l’instaure à l’échelle de l’Union où il est parfaitement crédible. Cela permettra aussi de financer l’Union et de lui donner des moyens d’action importants, par exemple pour faciliter la transition énergétique dont nous vivons les prémisses.

6. Limiter le temps de travail à 40h par semaine maximum (avec des incitations pour les Etats à passer à la semaine de 32 heures). Le progrès social passe par la libération des individus du travail. Là encore, l’union a la taille critique pour y parvenir.

7. Créer la base d’une sécurité sociale européenne (qui ne remplacera pas les régimes nationaux, plus avantageux, mais constituera un socle de base). Garantir à chaque européen l’accès gratuit à la santé, le droit à une allocation de retraite d’un niveau décent, le droit à une allocation de chômage lorsqu’il perd son travail. Ca semble évident, ce ne n’est pourtant pas.

8. Eradiquer les paradis fiscaux. Rendre incompatible avec l’adhésion à l’Union l’hébergement d’un paradis fiscal sur son territoire. Prendre des mesures de confinement à l’égard des autres paradis fiscaux.

9. Instaurer un monopole public sur les secteurs les plus sensibles socialement. Je pense aux transports en commun, aux services postaux, à l’enseignement, à la santé et sans doute aussi à l’énergie et aux télécommunications (et sans doute de quelques autres). Reconnaître l’intérêt des services publics ne suffit pas : il faut les protéger effectivement de la concurrence et les financer suffisamment pour leur permettre de remplir leurs missions.

10. Conditionner le commerce mondial à des clauses sociales et environnementales exigeantes. Interdire l’entrée sur le territoire européen de marchandises ne répondant pas à quelques critères (droit syndicaux, salaires décents, interdiction du travail forcé et du travail des enfants, conditions sanitaires ). Constituer une brigade européenne de contrôle des droits sociaux et environnementaux chargée d’inspecter en permanence les conditions de productions des marchandises qui entrent dans l’Union.

Que la « gauche » parlementaire cesse d’affirmer que « tout cela n’est pas possible » avant même d’avoir essayer de le réaliser, qu’elle se regroupe massivement derrière un tel programme — avec lequel, je pense, beaucoup de gens seront d’accord — et l’on verra changer la situation historique. Ce ne sera sans doute pas une victoire tout de suite, mais on verra renaître le débat — aujourd’hui anémié faute de réel antagonisme au sein des assemblées. Contrairement à ce qu’on nous serine à longueur de page d’une presse largement acquise à la cause du capital européen, une autre voie est possible.

Illustration : Fernand Léger, L’équipe au repos (Etude pour les Constructeurs), 1950.

Messages

  • J’ai lu attentivement les dix propositions que tu émets. Mis à part celle relative à l’OTAN, aucune d’entre elles ne concerne directement le Traité de Lisbonne à proprement parler, selon moi.

    Bien sûr, ces propositions sont autant de pistes intéressantes à suivre et je crois d’ailleurs que certaines seront même indispensables à l’UE si elle veut pérenniser son existence (fonder son avenir).

    Cela dit, je vois mal dans quelle mesure le rejet du Traité de Lisbonne sera profitable à l’avancement de ces causes. Bien au contraire. En facilitant la prise de décision, c’est-à-dire en amoindrissant le poids du véto étatique, et en renforçant les pouvoirs du Parlement, le Traité de Lisbonne rend un peu plus proches les propositions que tu préconises.

    Cela dit, comme je l’ai dit sur mon blog, les dirigeants européens ont fait preuve, si pas d’imbécilité, en tous cas de maladresse. Le schéma français s’est reproduit en Irlande. Cela ne se serait peut-être pas produit si l’Europe n’avait pas ostensiblement tenté de faire passer par la fenêtre ce qui n’avait pu passer par la porte...

    • J’ai lu attentivement les dix propositions que tu émets. Mis à part celle relative à l’OTAN, aucune d’entre elles ne concerne directement le Traité de Lisbonne à proprement parler, selon moi.

      Si par « concerner directement », tu entendes « se trouver dedans< », effectivement, ces propositions ne concernent pas le traité de Lisbonne. De mon point de vue, c’est précisément qui est regrettable alors que la porté du texte est bien de redéfinir le projet européen de manière générale.

      Cela dit, je vois mal dans quelle mesure le rejet du Traité de Lisbonne sera profitable à l’avancement de ces causes. Bien au contraire. En facilitant la prise de décision, c’est-à-dire en amoindrissant le poids du véto étatique, et en renforçant les pouvoirs du Parlement, le Traité de Lisbonne rend un peu plus proches les propositions que tu préconises.

      Ca fait des décennies qu’une rhétorique de ce genre est utilisée à chaque fois qu’on amende les traités : certes, ça ne répond pas à vos attentes, mais attendez la prochaine fois, vous allez voir, ça va évoluer. Maintenant, ça suffit. Il faut mettre le hola aux agissements de l’oligarchie européenne, remettre les priorités au centre du débat.

      François

  • Je ne sais pas si se remettre à discuter sur le fonctionnement des institutions suite au rejet du traité de Lisbonne, tout en continuant avec les institution actuelles qui sont proches de l’ingérable, va permettre une avancée quelconque dans la direction générale de ces 10 propositions avec lesquels je suis plutôt d’accord soit dit en passant.

  • Cela n’a aucun sens. Le traité de Lisbonne vient à l’instant d’être rejeté parce que jugé trop contraignant pour la souveraineté (politique, économique, sociale, fiscale) de l’Irlande, et la seule solution que tu proposes pour remédier à la situation, c’est de proposer un projet qui va encore plus loin dans l’ensemble de ses domaines.

    Que l’Europe ait besoin d’un projet politique ambitieux, j’en conviens parfaitement, et sur le fond je souscris à une bonne partie de tes propositions. Reste que la très grande majorité de la population européenne y est farouchement opposée, même au sein des électeurs de gauche (à l’exception peut-être de la francophonie, et encore). Il suffit de voir la réaction épidermique des Irlandais à l’idée que l’Europe puisse commencer ne fût-ce qu’à débattre d’un semblant d’harmonisation fiscale pour se convaincre du sort qu’ils réserveraient à certaines de tes propositions.

    Que l’Europe souffre d’un "déficit démocratique" et d’une perte de confiance, cela me semble l’évidence même. Mais selon moi, ce déficit est essentiellement dû au grand écart qu’elle doit réaliser en permanence face aux exigences contradictoires de ses Etats membres.

    Si, pour prendre un exemple que tu mentionnes, le traité de Lisbonne n’institue pas de véritable gouvernement européen élu par le parlement européen, ce n’est pas dû à la volonté de je ne sais quelle élite eurocrate, mais simplement parce que de nombreux Etats ne voulaient pas en entendre parler. Idem concernant tes propositions concernant l’Europe sociale ou fiscale. Tes propositions transpirent une conception très franco-française des idéaux de gauche, et en dehors de la francophonie, je ne vois pas très bien qui accepterait d’y adhérer, même au sein des mouvements de la gauche radicale.

    • L’interprétation d’un vote n’est jamais aussi évidente que tu le dis, Pierre. Certes, les déterminants que représentent les cultures politiques nationales sont terriblement puissants, mais je pense qu’ils sont surmontables si un projet apportant un réel mieux-être commun est mis sur la table. Je suis utopique ? Sans doute. Influencé par la gauche française ? Sans aucun doute. Et après ? Ne peut-on jamais essayer de surmonter nos limites ?

    • Oh, ce n’est pas l’ambition du projet que je critique, au contraire. S’il y a bien un élément dont la construction européenne manque aujourd’hui cruellement, c’est bien cette part de rêve, d’utopie - au sens d’un idéal construit et partagé ensemble.

      Là où je crois que ton projet se fourvoie, ce n’est pas dans son ambition, mais plutôt dans l’étroitesse du public auquel il peut s’adresser. Pour qu’une utopie pour l’Europe puisse prendre chair dans la conscience collective et porter quelque fruit, elle doit remplir une condition essentielle : elle doit être... européenne. J’entends par là qu’elle doit pouvoir être "audible" au-delà des frontières nationales, et proposer un projet dans lequel chaque culture européenne peut se retrouver. Et c’est cette condition que je ne retrouve pas dans ton projet. Son "audience" me semble limitée aux frontières de la gauche "mouvementiste" francophone.

      La seule mouvance politique qui ait su porter un véritable projet politique au niveau européen, à dépasser le carcan des cultures politiques nationales et réussir à parler d’une seule voix sur la scène européenne, ce sont les écologistes. Ce sont les seuls à véritablement posséder une forte identité européenne construit autour d’un projet commun.

      Les autres composantes de la gauche (social-démocrates, syndicalistes, communistes, radicaux) sont restées enfermées dans les cultures politiques nationales. Il suffit de constater le vide idéologique du PSE pour s’en convaincre.

      Et ma conviction est que tant que la gauche européenne (et les "progressistes" au sens large) échouera à s’accorder et se rassembler sur un véritable projet politique commun, c’est l’euroscepticisme de la droite nationaliste et populiste qui l’emportera.

      Et quand je parle de gauche européenne, j’entends ce terme dans une acceptation très large, reprenant ta propre définition (extrait de ton article dans Politis)

      « la gauche est l’approximative moitié de la représentation politique — et uniquement d’elle ; il n’est point de gauche hors d’un système représentatif — qui est la plus favorable à l’égalité. »

      Cela signifie donc qu’un projet européen commun devra composer aussi bien avec les socio-démocrates scandinaves qu’avec les travaillistes britanniques, les socialistes francais ou la gauche libre-échangiste des pays de l’Est. Cela peut sembler idéologiquement impensable tant les positions respectives semblent éloignées, pourtant on ne fera pas l’Europe sans ces pays. Un casse-tête, je vous dis...

    • à ce compte-là, en droit, il n’y a que l’idéologie de l’argent qui soit traductible dans toutes les langues de notre continent.
      et en effet, je crois que c’est ce que montrent les faits.
      or, pour notre plus grand malheur, il se trouve que l’argent, en plus d’être une pute, "est l’autre de l’homme".

      "je n’essaierai plus d’être un homme" : c’est ce que je me dis dans les pires moments.

  • Tu vas encore t’attirer les foudres "réalistes" d’Élio, sale coco. :-)

    Maintenant, comme le disait un pote, il n’y a pas si longtemps, ne faudrait-il pas encourager la politique du pire et dire amen à tout, histoire de se prendre finalement le mur ? Pour l’instant, on y va de toute manière, mais en prenant des détours tels que le train prend une vitesse démesurée, et le jour où l’on se prendra le mur, ce sera si vite qu’il ne restera plus rien.

    Autant se le prendre encore pas trop vite... (bien que ce soit déjà très tard).

    Pour détourner la rhétorique des écolos : "Pour un oui de combat !" Car, quand le libéralisme aura gagné, il sacrifiera la moitié de la population européenne (on sacrifie déjà les deux tiers de la population mondiale) au profit de 10%. Peut-être qu’alors cette moitié rejoindra le camp des opprimés du tiers-monde ?

    Tiens, je parie que, sur les subsides aux agriculteurs, tu es soit pour, soit contre. Je me trompe ?
    Dans un cas, tu es anti-tiers-monde, dans l’autre, tu es libéral...

    fais ton choix, camarade...

    (et là je sens que François va se demander : mais où je dois le situer, ce gars ???)

    Cours, camarade, tu as un anarchiste au cul !

    • Concernant le mur, outre que je me méfie des métaphores (lire les Prodiges et vertiges de l’analogie de Bouveresse), je ne suis pas partisan de la politique du pire. C’est toujours les petits qui trinquent et « l’après » est au mieux aléatoire.

      Concernant le détournement (dis-tu) de la « rhétorique des écolos » (ouille), j’aurai aussi du mal à te suivre : je n’ai rien contre le libéralisme (bon, avec une acception un peu rigoureuse du terme, évidemment), par contre j’ai beaucoup de choses contre le capitalisme. C’est évidemment plus qu’une nuance.

      Je ne comprends rien à l’agriculture (et ce est pas faute d’essayer de m’y intéresser, notamment via le GAC de Barricade). En attendant, je me contente de défendre une relocalisation de la production et la promotion des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement.

      Enfin, je considère que c’est un grand privilège (surtout pour un « socialiste ») que d’avoir un anarchiste au cul (en tout bien tout honneur),...

    • Je suis flatté :-)

      Mais qu’entends-tu alors pas libéralisme, camarade ? Celui de Barak (Obama) ? Ou celui de Barack (Ehud) ? Ou celui de Smith ? Ou celui de Ricardo ? Ou celui de Keynes ? Ou celui de Montesquieu ? Celui de Ségolène et Bertrand ? Tous ensemble (, tous ensemble, oui, oui, oui) ?

      Bref, je suis zinquiet.

      Mais que cela puisse servir de point de départ à une jolie discussion sur la question n’est pas pour me déplaire.

      Quant à tes préoccupations agricoles, félicitations, mais il n’en reste pas moins qu’il va falloir un jour prendre position sur les subventions (ou pas) (ou pas prendre position, mais alors se prononcer pour ne pas la prendre).

    • Quand je parle de libéralisme, c’est plutôt au sens que lui donne le débat de philosophie politique contemporain (i.e Rawls) que je me réfère. Puis aussi Spinoza pour l’intuition initiale, l’acte libérateur. Mais je pense quand même que Smith ne mérite pas la mauvaise réputation qu’on lui fait (il faut lire Smith, c’est vraiment intéressant). Je plaide évidemment pour une réappropriation de la liberté, qui est à mon avis un concept de gauche — alors que la droite est foncièrement autoritaire. Le fait que Milton Friedman ait pu se revendiquer du libéralisme et être pris au sérieux est une sorte d’éclat de rire majeur de l’histoire, et puis aussi une défaite de premier plan de la gauche (mais je ne sais pas trop qui en est responsable, peut-être certaines vieilles lunes marxistes mal comprises par la génération des Sartre et Althusser...).

      Cela dit, si on pousse le débat, je ne suis pas vraiment libéral dans le sens où je trouve que le libéralisme est in fine une théorie naïve (cf. Habermas et Apel) mais ça nous mène là à des rivages trop éloignés, me semble-t-il, que pour être encore opératoires, effectifs.

      J’avoue une certaine confusion sur tout cela, voire une confusion certaine. Sans doute devrais-je prendre le temps de formaliser ça, mais je crains que ça soit un travail de l’ampleur d’une thèse de doctorat :/

      En attendant, tu peux toujours lire les billets de ce blog qui sont consacrés à la question, par exemple le très actuel L’UPTR et le libéralisme.

      Pour ce qui est de l’agriculture, ne me laisse pas dans le vide comme ça, fais-moi part de tes réflexions, donne-moi des références de choses à lire. Promis, j’essaierai de digérer tout ça et d’en faire quelque chose sur ce site.

      Et puis attention, l’anarchiste flatté est menacé dans son anarchisme...

    • Je ne peux évidemment qu’applaudir la définition que tu donnes du libéralisme, auquelle je souscris entièrement.

      Petit note au passage : la notion même de "libéralisme" est extrêmement variable et fluctuante d’une culture à l’autre. L’étiquetage de personnages comme Milton Friedman comme "liberal" ferait par exemple rire un anglophone - aux USA et en Angleterre, le terme "liberal" est quasiment synonyme de "gauchiste". Les liberals anglais ou américains sont les adversaires traditionnels des conservateurs, se situent nettement à gauche, et sont favorables à un élargissement du rôle de l’État dans la sphère publique, principalement pour des questions de justice sociale.

      En italien, l’adjectif "liberale" est plutôt vu comme un compliment, contrairement au francais. Il désigne le libéralisme au sens politique, car le "libéralisme économique" (j’entends par là la doctrine favorable au libre-échange et au non-interventionnisme de l’Etat dans l’économie) se traduit par un autre terme, "liberista". Le grand intellectuel italien Benedetto Croce est un exemple typique de "liberale".

    • Mon Dieu (façon de parler) ! Tu es vraiment libéral ! Rawls, Smith...

      Heureusement que tu as piqué son pessimisme à Ricardo...

      Pour ce qui est de l’agriculture, tu trouveras dans n’importe quel Monde diplo qui se respecte des infos sur le fait que l’Europe et les USA faussent totalement le jeu de la concurrence des produits agricoles vis-à-vis des pays du 1/3 monde avec des arguments à la mords-moi-l’pif genre : "oui, mais nous on le fait dans des conditions de contrôle qui..."

      Des blagues. Il suffit de lire le canard enchaîné (mais pas sur internet, car il n’aime ça que moyennement) pour savoir que même le Bio, c’est contrôlé comme la maréchaussée dans la savane kenyane.

      En outre, ces subsides, cela a été amplement montré aussi bien en France qu’aux USA (pour les autres pays, je serais étonné que ce soit très différent) que les plus grands profiteurs sont les proprios de terrains et les gros producteurs monsantophiles plutôt que les petits Astérix genre Bové.

      De nouveau, achète-toi la compile du Canard, ça te profitera. Pour les USA, j’en avais parlé ici, qui renvoyait à ici.

      Quant à ton libéralisme, qui sent quand même un peu, dis, la réflexion ségoléno-bertrandiste,... moi, j’veux bien... Mais le libéralisme politique étant un acquis dans les sociale-démocraties qui nous entourent, autant que du beurre dise qu’il est fait avec du lait. Après, naturellement, le problème, c’est que le beurre est un peu ranci. N’empêche que, même si les USA sont un pays d’envahisseurs mégalomanes frappadingues, ils sont aussi le pays de Zinn, Albert, Chomsky, Dylan (oui, bon), Kerouac, Miller, Steinbeck, McCullers, etc.

      Donc, on s’en fiche de savoir que tu es "politiquement" libéral. Le fait est que ça nourrit sans problème la "centralisation" du débat politique. À quand un libéral-communiste ? Ou un libéral-nationaliste ? À moins que cela n’existe déjà ?

      Bref, camarade, c’est bien beau de vouloir jouer avec l’Europe, encore faudrait-il que
      1) L’Union Européenne joue avec des règles qui te soient accessibles, quod non ;
      2) L’Union Européenne accepte de remettre en question des dogmes capitalistes, ce qui, pour 90 % des élus est tout simplement hors de question ;
      3) L’Union Européenne accepte de considérer que la Croissance est un dogme, et non une nécessité, et que, comme tous les dogmes, il serait peut-être temps de le revoir, ce qui n’est pas gagné, mais qui serait la seule solution pour que ta vision super-jolie de l’agriculture (que je partage) soit envisagée de manière plus généralisée.

      Et je ne te parle même pas de tes dix propositions, auxquelles je reconnais du mérite, mais qui sont encore plus utopiques que la "politique du pire".

      À propos : tu me disais que dans la politique du pire, les plus faibles s’en prenaient plein la gueule et que la suite en était incertaine...
      ...
      ...
      Mais dis-moi, monzami, mon camarade, mon frère, qui vit dans la forteresse Europe, bardée de McDonalds et de Carrefour (à défaut de Walmart)...
      Dis-moi, est-ce que ce n’est pas déjà le cas ?
      Ta forteresse européenne ne vit-elle pas dans l’opulence (si, si) parce que les deux tiers de la planète sont sous-alimentés et que près d’un milliard de personnes sont sacrifiés sur l’autel du prix des commodities ? (notamment, c’est pas la seule cause, mais toutes ramènent un peu au problème du capitalisme, quand même)...

      Dis-moi ?

    • Salut Thitho,

      Je me permets de te donner mon opinion sur la question que tu poses concernant le libéralisme politique (j’imagine que Francois te répondra également pour donner sa propre vision, éventuelle différente).

      Une petite note personnelle tout d’abord : je me définis politiquement comme un "linksliberal" (un libéral de gauche donc, bien que cette expression soit malheureusement peut usitée en francophonie).

      Lorsqu’un homme politique parle de libéralisme dans les médias, il réduit souvent le concept à l’une de ces deux options :

      (a) une doctrine économique prônant le non-interventionnisme de l’Etat dans l’économie, la dérégulation des marchés, et la privatisation de la plupart des secteurs publics.

      (b) une réflexion sur les institutions démocratiques et le respect des libertés civiles, prônant e.g. la démocratie parlementaire, la séparation des pouvoirs, la liberté d’expression, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, etc.

      Ma conviction, c’est que ces deux interprétations sont critiquables. L’interprétation (a) est, comme Francois l’a souligné, en grande partie erronée, car ne correspondant pas à l’histoire de ce mouvement de pensée. L’interprétation (b) quant à elle me semble fortement réductrice, les penseurs appartenant à ce mouvement de pensée (par exemple Smith, Tocqueville, Rawls) ont poussé leur réflexion bien plus loin que la simple question des institutions démocratiques.

      Une excellente définition du libéralisme - du moins tel que je le concois - est disponible dans la Stanford Encyclopaedia of Philosophy. Un libéral est par définition quelqu’un qui "croit en la liberté", ou, plus précisément, qui accorde la primauté à la liberté en tant que valeur politique.

      Bien sûr, toute la question est bien sûr de définir ce concept de liberté. Il existe grosso modo deux grandes options, popularisées par Isaiah Berlin :

      — une définition "négative" : "je suis libre si personne ne m’empêche de faire ce que je veux, ni me contraint à faire ce que refuse". La liberté est donc vue comme une absence d’interférences, de coercition.

      — une définition "positive" : "je suis libre si je suis activement capable de réaliser ce que je veux entreprendre". La liberté est donc vue comme une capacité à agir, une opportunité effective de réalisation personnelle.

      Cette distinction reprend donc, d’une certaine manière, la distinction qu’avait déjà faite Karl Marx (auteur qui me semble au passage d’un très grand intérêt pour la pensée libérale) entre liberté formelle et liberté réelle.

      Je crois qu’une des caractéristiques d’un libéralisme "de gauche" est de mettre l’accent sur la conception positive de la liberté. Dans cette optique, le rôle principal de l’Etat est de "maximiser la liberté positive de chacun (van Parijs), ou d’accorder à chacun de manière équitable un ensemble de "capabilités" (Amartyia Sen). A partir de cet axiome de base vient évidemment s’articuler un ensemble d’orientations plus concrètes destinées à mettre en oeuvre ce principe. Mais l’idée de base me semble forte et nullement consensuelle.

      Enfin voilà, c’était juste pour donner my two cents sur la question ;-)

    • Ah, mais j’avais bien compris. Je mettais d’ailleurs en évidence que, de ce fait, les sociales-démocraties dont nous sommes un peu les enfants sont politiquement libérales et ont même le souci affiché de nous offrir une liberté positive. Même si dans les faits, ça fait pafois doucement rigoler, naturellement, car les contraintes économiques sont telles que... Vous m’avez compris ?

      Bon, cela dit, je ne peux m’empêcher de penser que Tocqueville et (surtout) Smith ont une approche un peu limitée de cette liberté. Smith insiste beaucoup sur l’aspect économique et Tocqueville, sauf erreur de ma part (ça fait un moment que je ne l’ai plus touché et je n’ai pas de bouquins sous la main), malgré ses qualités, mets parfois des mesures restrictives de la liberté en valeur en cas de nécessité. J’aime bien certaines de ses réflexions, mais, selon lui, la richesse économique permet à son titulaire de parler plus fort légitimement. Ce que je me refuse à admettre.

      Si je dois me définir en anglais, certes, je suis un "left-liberal", pour une intervention ridicule de l’État dans tout ce qui concerne la sphère de l’individu, et pour une solidarité maximalisée (qui, pour moi anar, se concrétise, non dans un pouvoir public fort, mais sur des cercles et des associations horizontaux d’entr’aides et de collaborations).

      Mais, comme nous parlons en français, non. Je suis libertaire -à distinguer de "libertarien", naturellement-, socialiste, anarchiste et même communiste. Mais pas libéral.

      L’invasion du vocabulaire politique anglo-saxon, qui nous vient des cénacles universitaires (n’auriez-vous pas eu Haarscher comme prof ?), est à prendre, gentlemen, avec de nombreuses pincettes : À trop les prendre comme des références directes, nous risquons de détruire l’héritage des penseurs francophones, notamment les existentialistes, dont le vocabulaire nous est plus proche.

      Les libéraux, historiquement, en Belgique, comme en France, ce sont les tenants de théories économiques basées sur l’initiative privée, l’inégalité, la concurrence et le "struggle for life" qui, curieusement, n’a pas de bonne traduction en français.

      Les libéraux encensent le marché, les privatisations, la loi de l’offre et de la demande et la main invisible du marché. Ils ne supportent l’écologie que si elle contribue à la privatisation des ressources, des moyens de production, des rivières et des mers. Cf notamment ce type, Henri Lepage, dont je vous conseille la lecture du bouquin "Pourquoi la propriété ?" écrit pendant les années de guerre froide. Il a le mérite de la franchise et explique ce que c’est qu’un libéral dans son acception francophone.

      Mais, je répète, je vous ai bien compris. Cela dit, je trouve que votre lisibilité se trouve amoindrie... Ce qui est précisément un des buts de l’imposition de la Novlangue, je vous rappelle : arriver à nous imposer des limitations de vocabulaire telles que nous finissons par penser tous la même chose, puisque les mots peuvent désigner tout et leur contraire.

      "Farenheit 451" et "1984" sont parfois de bonnes vieilles re-lecture à se refaire, comrades.

    • Les libéraux, historiquement, en Belgique, comme en France, ce sont les tenants de théories économiques basées sur l’initiative privée, l’inégalité, la concurrence et le "struggle for life"

      Ceci est inexact. Au XVIIIe et XIXe siècle, les partis libéraux en Belgique et en France étaient tous très nettement classés à gauche. En Belgique, ce sont d’abord les libéraux (citons par ex. Emile Janson) qui ont lutté pour l’amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière. C’est par exemple le Parti Progressiste, issu du Parti Libéral, qui exige en 1894 la création d’un Ministère du Travail, la limitation légale du temps de travail, une assurance sociale obligatoire, et envisage la création d’un vrai secteur public, avec nationalisation des chemins de fer, canaux, routes, ponts et mines de charbon, et le remplacement de la Banque Nationale par une banque d’Etat. (Chlepner, B.S., Cent Ans d’Histoire Sociale, Bruxelles, éd. de l’ULB, 1956).

      En France, ce sont également les libéraux qui sont à l’origine du système de sécurité sociale. La même analyse peut être fait dans les autres pays européens, en Allemagne, en Italie, en Espagne, où la gauche a longtemps été portée par les mouvements libéraux.

      Du reste, il existe aujourd’hui dans de nombreux pays d’Europe des partis qui se définissent explicitement comme libéraux de gauche. Il y a les VlaamsProgressieven (ex. SPIRIT) en Flandre, les Democraten 66 au Pays-Bas, les Liberal Democrats au Royaume-Uni, une partie du Partito Democratico en Italie, le PRG en France.

      En Allemagne où j’habite, le parti dans lequel je milite actuellement, Die Grünen, se définit explicitement comme étant "ökologische, soziale und linksliberale".

      Bref, s’il existe en effet en Europe des libéraux de droite, proche des conservateurs et qui basent l’essentiel de leur doctrine sur un libéralisme économique plus ou moins bien compris, il en existe bien d’autres qui définissent leur libéralisme de façon bien différente. Et pas seulement dans les cénacles universitaires.

      Ce libéralisme n’est sans doute pas aussi porté à gauche que l’anarchisme libertaire duquel vous vous réclamez, mais il fait bel et bien partie de cette famille politique. Pour en revenir à l’Europe, leur représentation dans l’hémicycle du parlement européen est d’ailleurs située à gauche (et ils sont politiquement très proches des Verts).

    • C’est marrant, je m’attendais à cette réponse. Mais il faut noter que ce que vous nommez un parti "de gauche", les libéraux en Belgique, c’est parce qu’avant 1883, il n’y avait pour ainsi dire pas d’autre parti de gauche, puisque le vote était uniquement censitaire et que le Parti Ouvrier Belge n’avait pas droit au chapitre. Les libéraux étaient forcément à gauche dans l’hémicycle, car les cathos étaient plus à droite. Les mesure(tte)s "de gauche" qui précèdent l’arrivée des socialistes au parlement sont le fruit, il est vrai, de l’esprit humaniste de certains libéraux qui n’avaient pas d’autres tribunes pour s’exprimer, mais aussi de la pression sociale qui, au cours des XIXe et des XXe siècle fut bien plus importante pour l’obtention des avancées sociales que l’élection de quelque modéré du parti libéral. De même qu’il fallut deux guerres mondiales et beaucoup de remous sociaux (et pas seulement des socialistes, rarement très intéressants) pour que des choses qui nous paraissent élémentaires (quoique de moins en moins) comme le SU, la pension invalidité, les congés payés, les congés maladies, etc. deviennent des réalités.

      Sans la pression de la rue (et sans les colonies), les libéraux auraient à la rigueur continué à encourager principalement les "bonnes âmes" paternalistes des "associations chrétiennes". Faut pas trop leur dorer la pilule, dites, hein (puisqu’on se vouvoie).

    • Tiens, à propos, je vois que vous militez dans le parti des verts allemands... Ça va, sur votre gauche, Die Linxe ?

      Par ailleurs, je vous avoue que l’idée de me voir classer dans la même moitié politique que les libéraux de Spirit ou de 66, ça me perturbe un peu... Mais bon, il est vrai que, dans le contexte médiatique, on n’en est plus à ça près.

    • La définition purement abstraite et "essentialiste" que vous semblez donner au concept de "gauche" me semble bien peu pertinente... À vous entendre, seuls les mouvements de la gauche radicale francophone pourraient prétendre au titre, et encore.

      Je crois pour ma part que si l’on veut que le clivage gauche/droite garde quelque utilité pour l’analyse politique, il faut se garder comme la peste de toute définition essentialiste et décontextualisée sur la "vraie" nature de la gauche incarnée par tel ou tel courant. Ce genre d’analyse finit toujours par tourner dans le vide.

      Le clivage gauche/droite désigne un rapport de force politique au sein d’un système représentatif, rapport de force qui se situe toujours dans un contexte historique précis. Il est donc totalement absurde de dire des libéraux du milieu du XIXe siècle qu’ils n’étaient "pas vraiment de gauche" alors même que le socialisme et le mouvement ouvrier n’étaient pas encore né.

      La seule analyse historique qui vaille est celle qui se base sur les rapports de force existant au sein du système représentatif de l’époque. Les libéraux du XIXe siècle étaient classés à gauche car il faisaient partie de la moitié de l’hémisphère politique qui était la plus favorable aux libertés civiles et au progrès social. Point.

      J’aime beaucoup la définition de la gauche qu’avait utilisée Francois dans un de ces précédents articles (publié dans Politis) :

      la gauche est l’approximative moitié de la représentation politique — et uniquement d’elle ; il n’est point de gauche hors d’un système représentatif — qui est la plus favorable à l’égalité.

      A voir le positionnement des VlaamsProgressieven sur l’échiquier politique flamand, il me semble impossible que de les classer autrement qu’à gauche. Que cette gauche-là soit très éloignée de votre idéaux politiques, soit, mais cela ne vous autorise pas à faire une OPA sur le concept et vous autoproclamer "seuls défenseurs de la vraie gauche", rejetant les autres mouvements comme "impurs"...

    • Eh beh, selon votre définition, la Première Internationale n’existait tout simplement pas...

      Voilà une conception de l’histoire plutôt intéressante...

      Et la révolution d’Octobre, alors, est née du néant de la non-représentativité des ouvriers ?

      Bon, je ne vais pas trop insister...

    • aussi bizarre que cela puisse paraitre vu les théories marxistes, les révolutions communistes ne se sont pas produites dans des pays industrialisés mais plus souvent dans des pays agricoles ce qui fait qu’il est peu probable que les révolutionnaires d’octobre soient majoritairement des ouvriers

    • eh beh...
      Super cette petite discussion.
      Très agréable à lire en tout cas.
      Quoique parfois ça vole un peut trop "haut" (je veux dire dans les brumes, là-bas..)
      A part thitho bien sûr, mais je suis parti pris (sans carte, entendons-nous bien !).

      Rawls m’a toujours fait pleurer de rire. J’ai jamais compris le foin qu’on faisait autour de ce gars qui dit - sans jamais réellement définir ce que ça veut dire - "rationnellement" et "raisonnablement" à tout bout de phrase.
      C’est sûr, aaahhh si seulement l’être humain était plus "raisonnable"...
      On se tiendrait la main, on ferait la queue leuleu tout autour du monde.. ;-)

      Spinoza n’est pas libéral (ça va de soit), il est humain.
      Epicure aussi.
      Marx le tente, certes.
      Sans doute certains libéraux, oui.

      Reste que l’important c’est comment l’être humain négocie son bien être, sa volonté d’épanouissement, dans le réel.
      Reste que l’important c’est la cohérence réelle de tout humanisme.
      non ?

      Alors savoir où s’assied un député, hein...

      La gauche mon cul ! (oula, si moi il y a quelques années entendait ça ;-))

      Gauche est un concept, on est d’accord (et même, c’est le problème, un "fourre-tout"). On l’estime à son degré d’"opérabilité" (si j’ose m’exprimer de la sorte).
      Aujourd’hui, et vu globalement les ceux et ceuces qui s’en revendiquent, ben moi je le trouve plutôt contre-productif ce concept.
      (Mais ooh grand MAIS, je défendrai toujours l’histoire des luttes des gauches, des luttes "des gauches de luttes", pour être plus précis)

      Et pour de ce qui est du concept "libéral" (vu globalement), mes amis...
      Je vois pas l’utilité de s’en revendiquer.
      Même si on peut tout à fait défendre certaines de ses idées, comme la liberté de pensée et d’association, ce dernier concept est d’ailleurs très utile et "opérant" aujourd’hui, si vous voyez ce que je veux dire. (si vous voyez pas ce que je veux dire, je veux dire que c’est utile pour dire que les quatres autres, là, les soit-disant terrorisss’ ex-ccc rescucités, ben z’ont rien à foutre en prison, didjuuu)

      Bref faisons l’histoire des concepts, revendiquons-nous-en, pour en créer des tous neufs tous beaux, qui sont pas obligés de prendre toute la place, ni de tout expliquer. On leur demande simplement de nous aider dans la compréhension et la transformation de ce monde pourri (ça j’ai déjà compris, merci, il est pourri ce monde, passons au concept suivant).
      Alors les "essentialistes" c’est pour moi ceux qui donnent un peu trop de pouvoirs magiques aux mots libéralisme et gauche (par exemple).
      C’est malheureusement trop souvent une position de facilité pour nous faire avaler toutes les couleuvres..
      Genre : Je suis de gauche, mais pragmatiquement, que veux-tu, je dois défendre telle saloperie...
      ça me rappelle un truc du genre : je suis tout comme toi pour le communisme, mais pour y arriver, que veux-tu, je dois te trancher la tête...

      Ok ok le pragmatisme, mais encore faudrait-il pas nous prendre pour des cons.
      Les concepts sont à nous ! hé ho Nous nous battons pour eux, hé ho !

      Bref la liberté c’est nous.

      et à nous de définir sans cesse qui sont nous (au pluriel, bien sûr, je suis plein de nous)

       :-)

    • oui bon : la non-représentativité des ouvriers et des paysans...
      Qu’importe, l’idée est que selon la définition de M. Pison, il n’y a pas de gauche en URSS avant 1917...

    • Nous dit sans rire l’un des tenant de l’Etatisme à tout crin. Celui qui rêve d’une armée de fonctionnaires contrôlant le moindre acte "citoyen", pour le profit de tous, et au nom d’un vague "bien commun" qu’il se pense évidemment le seul à pouvoir déterminer.

    • « A partir de cet axiome de base vient évidemment s’articuler un ensemble d’orientations plus concrètes destinées à mettre en oeuvre ce principe. »

      Bref, une liberté très encadrée, donc une illusion de liberté. Car cet "ensemble d’orientations", dès lors qu’il sort de quelques principes de base (liberté de pensée, droit de propriété ...) n’est finalement rien d’autre que la dictature d’un "machin" qui vise à me faire rentrer dans le rang et à me faire marcher au pas de la "majorité".

      La majorité, je l’enmerde dans la mesure où je respecte ces quelques règles de base qui se résument à : ne fait pas à ton voisin ce que tu ne souhaiterais pas que l’on te fasse à toi même.

    • La seule alternative crédible aux préchipréchas consensualistes écoeurants de la gauche bobo et de la droite mou-du-genoux :

      http://www.libertarian.ca/french/libertarianisme.html

  • Votre texte est vraiment bête à deux points de vue :

    - d’une part, il fait complètement fi de la réalité de terrain : c’est bien beau de lancer des pétitions et de côtoyer les débats "citoyens" à Liège mais de toute évidence vous ignorez totalement la réalité de la diplomatie et des négociations dans les cénacles internationaux. Bref, votre candeur est édifiante ;

    - d’autre part, qui vous dit que vos dix propositions agréent l’ensemble des populations des 27 pays européens ? Allez vendre votre projet social aux pays anglo-saxons, vous allez voir leur tête : ils vont vous prendre pour un martien !

    • Mais non, c’est pas du tout n’importe quoi, ce sont des propositions, donc une base de discussion avec les autres citoyens européens. En fait ce qui t’énerve, c’est que ça pourrait bien intéresser plein de gens, qu’ils aient voté oui ou non ou que leurs élus aient voté à leur place.

      Et que c’est nettement plus facile à comprendre et plus proche de notre vécu que le galimatias qu’ils ont voulu nous fourguer.

    • Je suis entièrement d’accord avec votre opposant, c’est n’importe quoi. Le TL mettait en place des outils de décision qui ne nécessitait plus l’unanimité. La GB refuse sytématiquement de mettre en place des avancées sociales, en cela le TL aurait permi de contourner cette dernière. Mais visiblement, l’auteur du texte n’a pas compris qu’en étant contre, il est aussi contre la mise en place de ses idées au sein de l’UE.

    • Contrairement à ce que vous affirmez, l’acceptation du traité de Lisbonne n’aurait en aucune manière facilité la mise en oeuvre des (très schématiques) propositions faites ici : en effet, la plupart d’entre elles sont tout simplement interdites par les traités en vigueur. De quoi il résulte que le débat européen le plus important doit bel et bien porter sur l’amendement des traités (ce que fait précisément Lisbonne) et non sur les politiques à appliquer dans le cadre institutionnel défini par eux.

  • Titre en forme de pique à notre ami anarchiste ;)

    Personnellement je séparerais le contenu de ce traité européen en deux parties :

    Le "quoi", ce qu’on veut faire avec ce jouet Europe, et là je rejoins ta position : manque grave de social sur toute la ligne
    Et le "comment", l’organisation de l’Europe pour arriver à ses buts. Et là il faut avouer que ce traité est un progrès. Progrès moins évident que le traité constitutionnel puisque moins lisible et sans les symboles, mais permettant de faire mieux face à l’inévitable problème posé par Pierre Lison, à savoir la nécessité de devoir arriver à un accord entre peuples de cultures différentes pour pouvoir progresser.

    Pour moi, impossible d’avancer sur le quoi si le comment n’est pas réglé ! La crise actuelle montre que le problème institutionnel n’a jamais été aussi fort, comment pourrait il en être autrement alors que les traités en vigueur se basent toujours sur un nombre de membres quasi inférieur de moitié.

    L’indécision et le flou actuels me semblent pire qu’une avancée insuffisante.

    Nicolas - http://www.nicolasblanchart.be

  • Lorsqu’elles sont en situation de pouvoir s’additionner sans avoir à s’entendre entre elles sur un projet alternatif, les oppositions l’emporteront toujours sur les propositions négociées de tout gouvernement, quel qu’il soit. La règle est immuable et ne souffre aucune exception.

    Lire la suite sur le blog de Charles Bricman

  • Le NON des Irlandais au Traité de Lisbonne, contre l’avis de tous les pouvoirs et institutions du pays, est peut-être salutaire.
    Il va y avoir du vent dans les voiles…

    Le Traité de Lisbonne n’était pas une Constitution européenne, mais un Traité entre Etats souverains qui, depuis 50 ans, ont progressivement accepté de déléguer des pans de leurs souverainetés respectives pour, d’une part blinder les risques de guerres nationalistes (pléonasme), et d’autre part créer un espace économique d’échanges économiques et de libre circulation des personnes.

    Jusque là, les peuples approuvent. ... ...

    La suite sur le blog de Bernard Boeton

  • J’ai lu dans les journaux qu’un des défendeur du non irlandais était très proche de la CIA.

    Ça fait réfléchir..

  • Hello,

    Je viens de tomber par hasard sur une (courte) interview de Sylvia-Yvonne Kaufmann, députée communiste (membre du PDS) au parlement européen, qui défend dans un récent livre "Die EU und ihre Verfassung : linke Irrtümer und populäre Missverständnisse" les avancées du traité de Lisbonne, contre la majorité de ses collègues communistes.

    Comme quoi il est possible d’être de gauche, même faire partie de la gauche radicale, et être favorable au traité.

    L’interview prend la forme d’une discussion avec Daniel Cohn-Bendit :
    Die EU und ihre Verfassung

    Im Gespräch über ihr Buch "Die EU und ihre Verfassung" stellt die PDS-Europaabgeordnete Sylvia-Yvonne Kaufmann, warum der Lissabonner Vertrag so wichtig für ein demokratisches Europa ist. So kann man z. Bsp. dank des Vertrags alle EU-Gesetze auf ihre soziale Verträglickeit hin prüfen.
    Für Dany Cohn-Bendit leistet dieses Buch einen wichtigen Beitrag, um den Vertrag besser verstehen zu können.

    Outre cet interview, le site de Daniel Cohn-Bendit inclut d’ailleurs de nombreuses vidéos de débats, réflexions, éclairages et prises de position sur divers sujets - je vous le conseille vivement !

  • Pour aller plus loin, que penses-tu de l’idée d’en faire un parlement bicaméral comme aux États-Unis ? Là, il y a une chambre basse (le Congrès) dont les représentants sont au pro rata du nombre d’habitants de chaque état. La chambre haute (le Sénat) est, lui, composé de deux représentants par état.

    Cela permet d’équilibrer les rapports de force entre les états de différente taille.

    Cependant, j’ignore comment se vote alors la confiance dans l’exécutif. En effet, il peut y avoir des majorités différentes dans ces deux assemblées.

    • l’UE a déjà une chambre bicamérale :

      - le parlement européen est la première chambre
      et
      - le conseil européen est la deuxième chambre

      pour que l’exécutif (la commission européenne) soit élue, elle doit être votée dans les deux chambres

    • Certes, on peut dire qu’il y a déjà un système bicaméral. Mais ma contribution prenait pour base la proposition de François (d’où mon « Pour aller plus loin » de début). Le Conseil n’est pas composé d’élus mais de membres des gouvernements.

      Une chambre haute avec, disons, 5 élus par pays pourrait remplacer le Conseil. Évidemment, on en arrive alors au problème des modalités d’élection (majoritaire, proportionnelle, représentative des différentes tendances,...)

      Concernant l’élection du Parlement actuel, on peut aussi se poser la question de la nécessité ou non de proposer des listes qui ne soient plus nationales mais européennes...

  • François, tu sais quoi ? Et bien je suis tout à fait d’accord avec tes propositions. C’est assez rare pour être signalé :-)

    Bon, pour le point 6 je le trouve pas du tout nécessaire (surtout dans un premier temps) et pour le point 9, je restreintrais au strict minimum (par exempel pas les communications).

    Mais l’idée est là. Alors si nous deux on est d’accord là dessus, chacun avec des sensibilités différentes (voire parfois opposée), la seule question qui me vient : Qu’attend-t-on ?

  • Oui, c’est tentant ces propositions mais... Le "non" irlandais n’avait pas grand-chose à voir avec un non de gauche.
    Il s’agit d’une alliance de circonstance entre un milliardaire libertarien, Declan Ganley, qui, ayant fait son beurre sur les contrats d’armement américains et l’exploitation des forêts de l’ex-URSS, a recouvert l’Irlande d’affiches effrayantes ; des catholiques traditionalistes prêtant au Traité de Lisbonne l’intention de légaliser le mariage homosexuel et l’avortement ; des hommes d’affaires hostiles à l’harmonisation fiscale (l’Irlande et son impôt sur les sociétés profite à fond de la concurrence fiscale intra-UE ) ; un refus de voir l’influence de l’Irlande diminuer dans des élargissements successifs (la question de la "perte" du Commissaire irlandais a pas mal joué)...

    Dans les motifs de vote plus "positifs", le refus d’approuver un texte illisible, la peur de perdre la neutralité dans l’OTAN/une future "armée européenne" et la critique d’une Europe trop intégratrice ont aussi beaucoup joué. La seule formation politique de gauche à avoir appelé à voter non, le petit Sinn Fein, a appelé dès le lendemain à ratifier le Traité après prise en compte des craintes irlandaises. Les jeunes ont massivement voté non, ainsi que les couches rurales, urbaines pauvres et classes moyennes.

    Si le "non" de gauche avait pris beaucoup de place dans le débat référendaire français de 2005 (et j’y avais contribué, à ma petite échelle), je n’ai guère retrouvé ces éléments-là dans le vote irlandais et les débats que j’ai pu lire dans la presse irlandaise du moment. Au contraire : il s’est agit d’un vote clairement protectionniste sur base nationale, aux antipodes d’une idée de solidarité européenne. Cela sent la trouille, mais on cherche un peu les causes "dures", de celles que tu évoques : l’Irlande est un des pays les plus riches de l’Union, et je ne crois pas que les inégalités y soient au niveau de celles de l’Angleterre. JP Jouyet, le secrétaire d’État français aux affaires européennes, vient apparemment de prononcer un discours d’une violence hallucinante contre ce vote où il voit la main des néoconservateurs américains.

    L’UE est aujourd’hui manifestement coincée dans l’intergouvernemental, maintenant que ce traité qui contenait des dispositions favorables au Parlement est moribond. Mais ce genre de considérations pratiques est inaudible au niveau national, sur lequel les cultures politiques restent forgées ; chacun s’imagine l’UE comme son État en plus grand (la France, en tout cas, c’est clair). Ceux qui s’en sortent mieux sont les citoyens des États fédéraux (Allemagne, Espagne...). Les Français de gauche, eux, rêvent d’une Constituante... Mais il n’y a guère de roi à décapiter, hélas.

  • la semaine de 32 H ? pas très écologique ni social

    moins on travaille et plus on consomme et on dépense. En plus, si c’est passer à 32 heures et gagner moins car on ne bougerait pas au salaire horaire, alors, beaucoup vont se retrouver dans la merde et le pouvoir d’achat sera encore plus faible

    le monopole public sur l’enseignement ? perso, ça ne me dérange pas que n’importe qui puisse ouvrir son école comme en Belgique et bénéficier des subsides. Ca permet d’avoir des écoles avec des nouvelles pédagogies et qui sait peut-être qu’un jour ces nouvelles pédagogies feront tâche d’huile, ce serait le rêve

  • "Des amendements aux directives européennes sur le « paquet télécom », déposés en dernière minute au Parlement, mettent en danger l’existence des logiciels libre sur le Net.[..]

    Ces amendements donneraient le droit aux autorités administratives de chaque État-membre de dresser une liste des applications logicielles autorisées sur le Net. Cette liste serait inscrite directement dans les contrats des fournisseurs d’accès. L’existence de logiciels libres comme Firefox dépendrait tout simplement du bon vouloir de nos administrations.[..]"

    http://lechoblogs.typepad.com/tzine/2008/07/les-logiciels-l.html

    http://press.ffii.org/Press_releases/European_Parliament_rushes_towards_Soviet_Internet